COURSE EN ENDURANCE ET HATHA-YOGA

 

Course en endurance et Hatha-Yoga 

 Mon projet d’entrée à l’Ecole Française de Yoga (EFY) incluait la recherche de la complémentarité entre le Yoga et la course à pieds. J’envisageais ce rapport dans la préparation du corps à l’effort, la prévention des blessures, la récupération, l’efficacité du souffle, la circulation des énergies. Bien que tous ces aspects soient importants, j’entrevis rapidement que l’apport fondamental résidait dans LA PRÉSENCE À LA RESPIRATION. Ainsi, mon investigation s’attacha à affiner la conscience du souffle; cette direction privilégia l’endurance plus propice à l’observation que la résistance. 

 POINTS COMMUNS ENTRE LE HATHA-YOGA ET LA COURSE À PIEDS 

 Bien que l’une soit une recherche spirituelle et l’autre typiquement sportive, nous pouvons déceler quelques convergences intéressantes qui seront sommairement énoncées. 

 1/ LA RESPIRATION OCCUPE UNE PLACE CENTRALE. 

Le Yogi vit, épanouit la posture grâce à la dynamique du souffle. La respiration l’aide à calmer l’agitation mentale ( toutes ces idées, ces peurs qui surgissent du passé, ou se projettent dans le futur, nous empêchant de vivre pleinement le présent ) principale obstacle à la concentration, à la maîtrise de soi. 

Le coureur à pieds se soumet à l’ »intelligence du corps» qui harmonise les rythmes cardiaques et respiratoires avec l’intensité de l’effort. Parfois, la mobilisation du corps et de l’esprit à courir chasse les soucis, calme le mental. Les entraînement longs déclenchent la production d’endorphines (morphine naturelle sécrétée par le cerveau) qui peuvent susciter un climat de bien être, d’équilibre. 

 2/ CONNAISSANCE DE SOI Le yogi tente de se libérer de tous les conditionnements qu’il a reçu, pour atteindre son être authentique. Pour lui, la connaissance profonde de soi-même conduit à comprendre la vie, l’univers. Le coureur cherche à se connaître, à se dépasser en allant au bout de lui-même dans sa discipline. 

  3/ LA MISE EN JEU DES ÉNERGIES. Le yogi soigne son accueil du Prana : cette énergie subtile qui baigne l’atmosphère, et imprègne les aliments. Il veille à sa bonne circulation dans l’organisme. Il vise à libérer cette énergie primordiale ( la Kundalini ) qui est censée sommeiller dans le bassin. Le coureur à pieds capte à son insu les rayons qui émanent de la terre et du cosmos. Sa frénésie d’efforts brasse ses énergies internes.

 4/ PURIFICATION DE L’ORGANISME. Le yogi surveille son alimentation en quantité et en qualité. Il utilise des postures, des techniques spécifiques pour nettoyer ses organes, ses fonctions. Le coureur à pieds est soucieux d’une nutrition adaptée et équilibrée. La circulation rapide du sang, la transpiration abondante favorisent l’élimination des toxines, stimulent les défenses naturelles.

 5/ CONCLUSION 

Nous constatons des effets bénéfiques voisins. Mais les échelles sont incomparables. Pour l’une, il s’agit de résultats plutôt induits ( quoique de nombreux coureurs s’informent pour tirer le maximum d’épanouissement de leur pratique ). Pour l’autre, nous assistons à une discipline tendue vers le sens de la Vie. 

 ENDURANCE ET CONSCIENCE DU SOUFFLE 

 La respiration est la seule fonction vitale sur laquelle notre volonté peut agir. Nous Iui accordons facilement une valeur symbolique : elle accompagne notre destin du premier appel d’air au dernier soupir. Être attentif au souffle en courant ouvre donc notre pratique à une dimension profonde de la Vie en nous. Je n’oublie pas le rôle décisif du Cœur dans la course à pieds, pour souligner sa place symbolique prépondérant dans la démarche spirituelle. Mon expérience a traversé plusieurs étapes. Elle ne se prétend pas exemplaire, mais invite chacun à l’expérimentation.

 1- ACCENTUATION DE L’EXPIR.

 L’expiration représentant le temps passif, j’ai d’abord décidé de la forcer en serrant fortement les abdominaux. L’inspiration se trouvait amplifiée par le vide créé. Une bonne oxygénation s’installait ainsi qu’une vitesse d’endurance stable, réglée par la cadence respiratoire régulière. 

 2- RESPIRATION PAR LE NEZ. 

Dans le yoga, le nez est l’unique organe de réception de l’air. L’idée de courir en inhalant exclusivement par le nez s’imposa. Était-ce possible ? Une élève m’assura qu’un professeur de l’école avait couru de cette manière.

 Les premières tentatives furent laborieuses mais encourageantes. Je m’interdisais de respirer par la bouche en mordant la lèvre inférieure. Je dus diminuer ma vitesse d’endurance pour éviter l’asphyxie. Le va et vient rapide et inhabituel de l’air dans les narines provoquait dans le nez un écoulement abondant et gênant.

 L’attention requise calmait par intermittence l’agitation mentale. Le bien être ressenti me semblait meilleur et rapidement, je préférais, au détriment de la performance, courir « bouche cousue «. 

À mon avis, cette méthode freine la tendance pernicieuse à courir, à son insu, en résistance douce ( 140 à 160 pulsations cardiaques par minute ), car, elle occasionne une fatigue insidieuse aux coureurs persuadés de s’entraîner en endurance ( moins de 140 pulsations par mn ).

 3- La RESPIRATION THORACIQUE 

 Quand la respiration nasale devint facile, mon intérêt se porta sur la cage thoracique. En effet, spontanément, j’augmentais la dilatation du thorax pour prendre plus d’air. Mon attention se fixa à l’avant de la cage. La forte expansion exercée à cet endroit par une inspiration intense me procurait la sensation d’être tiré par un fil invisible à chaque inspire. Cette impression bien réelle encourageait l’effort. 

 4- RESPIRATION ABDOMINALE ET HARA 

Le yoga distingue trois étages de respiration : la respiration abdominale, la respiration thoracique, là respiration claviculaire. Les respirations thoraciques et claviculaire nécessitent l’intervention de notre volonté. La respiration abdominale naturelle s’applique à notre survie, elle alimente nos moments de repos, de sommeil, d’inattention; elle est toujours présente. 

Je m’intéressais à cette notion, venue du Japon, de Hara : cette énergie vitale qui siège dans le bassin. Je désirais l’intégrer dans mon expérience. Dans ce but, tout en continuant à forcer l’expire, au moment de l’inspiration, je me rendais vigilant aux sensations dans le ventre et le bassin. Parallèlement, je m’habituais à compter mentalement la durée de la respiration pour éviter que mon esprit se disperse. J’en tirais des résultats intéressants : 

 a) LA NOTION DE CENTRE. 

Le bassin sortait de l’oubli. Il existait concrètement, se remplissant ( le ventre se gonfle à l’inspire ), et se vidant ( le ventre se rentre à l’expire ), au gré du flux et du reflux respiratoire. Le bassin devenait la partie fixe qui se déplaçait parallèlement au sol, d’où venait l’énergie motrice, et à partir duquel s’articulait le reste du corps. Cette conscience du bassin donnait un support solide à la colonne vertébrale, et l’incitait à se redresser , à s’étirer. Dans le même temps, ce besoin de verticalité m’invitait à tirer le balancement des coudes vers l’arrière pour ouvrir la cage thoracique. On voit que cette conscience du bassin à des conséquences heureuses : elle améliore la respiration en ouvrant le Thorax, elle prévient le tassement des disques intervertébraux en suscitant un désir d’étirement de la colonne que favorise l’effet mécanique d’une respiration intense et complète. 

 b) EFFET DE L’ÉQUILIBRE INSPIR-EXPIR. 

Dans mon cas, les 25 premières minutes, spontanément, les deux temps respiratoires sont symétriques. Je compte jusqu’à 3 pour chaque phase. À chaque forte inspiration, la pénétration de ce vif courant d’air procure la sensation d’une force qui s’exerce à l’arrière du bassin que j’observe.

 c) EFFET D’UNE DISSYMÉTRIE INSPIR-EXPIR. 

Ensuite, le cœur s’accélérant, la respiration s’adapte toute seule, j’inspire pendant 2 temps et j’expire pendant trois temps. Toujours à l’inspire, la poussée que je sentais à l’arrière du bassin, se déplace au niveau de l’articulation de la hanche. Le rythme étant impair, je reçois, alternativement à droite et à gauche, au moment de l’inspire, une impulsion à la jambe qui part en avant. Cette impulsion me donne l’envie d’allonger la foulée en question et d’étirer le buste et le cou.. Cette force reçue à l’inspire, je l’assimile à l’énergie vitale, elle prend le relais de mon mental. Le corps n’obéit plus à mon volontarisme sportif, mais suit ses propres forces, ce qui m’inspire un sentiment de facilité. 

 CONCLUSIONS 

Une respiration attentive par le nez, et la conscience du bassin ont de nombreux effets bénéfiques : 

 - la vitesse d’endurance est automatiquement réduite. Nous évitons ainsi d’accumuler de la fatigue par des entraînements trop rapides. 

 - la respiration est globale. Les orifices du nez étant étroits, nous sommes obligés d’intensifier l’inspiration et l’expiration. Tous les muscles inspirateurs et expirateurs sont mobilisés, les épaules doivent s’ouvrir pour libérer la cage thoracique. Les trois étages de la respiration (abdominale, thoracique, claviculaire ) sont sollicités, provoquant une ventilation complète des poumons, et une bonne oxygénation du sang. 

 - le bassin devient le centre de l’effort. L’attention portée à la respiration abdominale, permet de ressentir au moment de l’inspire une force, une poussée qui s’exerce à l’arrière du bassin ( rythme pair ), ou aux hanches ( rythme impair ) et qui stimule l’effort ( allongement de la foulée ). Cette force naturelle évince le volontarisme du mental, et laisse s’exprimer librement notre vitalité corporelle. 

 - l’étirement préventif de la colonne vertébrale. Mécaniquement, une respiration intensive a tendance à « allonger » la colonne, dans la partie haute, pendant l’inspiration, par les pressions exercées par les poumons qui se gonflent, dans la partie basse, pendant l’expiration, par la pression de la sangle abdominale qui se contracte pour chasser l’air. De plus, la conscience du bassin installe un point d’appui solide à la colonne qui l’incite à s’étirer, à atteindre sa juste verticalité. 

 Daniel CAILLEMET( 1997/1998 )

J’ai laissé le texte en l’état, je crois que je l’écrirais maintenant différemment.

Le contenu n’engage que moi, j’étais le seul cobaye de mon expérience ! J’espère que mon ressenti n’était pas délirant ! et mes conclusions farfelues !

Comme je ne cours plus, je ne peux pas la reproduire.

Libre à d’autres coureurs de tester ma démarche et de constater l’effet éventuel sur eux-mêmes.