HISTOIRE VRAIE

Mes Amis,

Je vais vous bailler un histoire véridique, que si elle n’est pas vraie, j’aille en enfer !!!

Nous sommes en l’an de grâce 1351, sous le règne du roi Jean Le Bon (qui ne fut pas si bon que ça).
Le paysan est heureux ou presque, il n’y a guère que deux à trois famines par an et elles ne durent pas plus de six mois.
La gabelle et la dîme, (la TVA et la CSG n’ont pas encore été inventées, c’est marrant comme tout ce qui est négatif est du genre féminin), rentrent modérément dans les caisses royales, aussi doit-on faire appel à des subterfuges pour les renflouer, comme l’envoi de nefs remplies de cassettes d’or aux Bahamas ou dans les Iles Vierges, ce sont les fameux papiers paradisiaques.
Le droit de cuissage existe encore, il n’a pas été interdit pas les mouvements féministes, Simone de Beauvoir n’a pas inventé le deuxième sexe. Seule la femme du roi s’en plaint, quand ce dernier en abuse avec quelque jolie souillon ou autre belle soubrette et la néglige dans la couche royale.

Dans un calme vallon, proche de la bonne ville de Limoux, la quiétude règne dans l’Abbaye de Saint-Hilaire, le premier évêque de Carcassonne qui évangélisa la région du Carcassès au VIe siècle, il avait eu beaucoup de boulot.

Un moine bénédictin, répondant au nom de Dom Rohyuella, vaque à ses occupations dans le cellier de l’abbaye. C’est un beau moine au physique très avantageux ; ne dit-on pas, mais en cachette car il a l’humeur belliqueuse, qu’il aurait lutiné plus d’une damoiselle de la noblesse locale.
Il a une foulée aérienne, éthérée disent certains, qui le conduit sur les chemins environnants à participer à ce que les bretons nomment trail. Mais l’âge venant, il a son tendon d’Achille qui le fait souffrir malgré les prières qu’il adresse à tous les seins de la terre.
Il a également un beau brin de voix qui lui permet de courtiser les belles jeunes filles du Val d’Aude, sinon d’Ajol, il se risque même à jouer, déguisé, quelques farces, dont celle de Maître Pathelin.
Il a autrefois approché le jeu de la soule et en garde depuis une coriace admiration pour l’équipe des Jaunards, que l’on désigne ainsi car ils répugnent à aller en grève sur les bords d’Aude, vers le Païcherou.
Cette saison, il ne commente guère leurs résultats. Ils ne sont pas à la hauteur de la pénitence qu’il s’impose dans sa cellule, où il bat sa coulpe avec un martinet à neuf queues, (chat dont la mère supérieure du couvent de Lagrasse voisin, a goûté autrefois, quand elle était encore bien avenante et la cuisse légère).

C’est lui qui, au retour d’un pèlerinage à Paris, plus exactement à Saint-Maur où réside l’ordre bénédictin, a ramené un cépage Mauzac dont on dit le plus grand bien. Il l’a complanté avec des cépages locaux et en a récolté une première vendange en septembre 1350.

Mais Dom Rohyuella est étourdi.
Sa lignée à venir le sera tout autant, il est rêveur, distrait, pense à des amies religieuses rencontrées à Cintra et qui venaient d’outre-Rhin, d’un lointain pays qui a donné beaucoup de petits suisses au Vatican, dont un certain Tamini.

Il a oublié quelques bouteilles de Mauzac au fond du cellier lors de ces douces rêveries et vient de remettre la dextre, ou la senestre dessus, (les historiographes ne sont pas d’accord sur ce point, un détail de l’Histoire). D’un geste prompt et rageur, il extrait le bouchon de cire et le vin lui saute à la figure.

Il vient d’inventer le premier vin effervescent du monde. On l’a retrouvé, rond comme une queue de casserole, le lendemain, d’où le nom de blanquette donné à ce breuvage divin (dit vin, mais que l’on ne boit pas en vain, même à vingt).

Aux étourdis les mains pleines.

Tiré des Chroniques de Saint-Denis, en trois tomes.

La semaine prochaine : l’invention des “chouquettes”

Michel VIEUX